PROPOS DES SALARIÉS SUR FACEBOOK : LES LIMITES DE LA PROTECTION DE L’ENTREPRISE

By 25 mars 2019Veille

La surexposition médiatique des entreprises et l’interpénétration croissante des sphères professionnelles et personnelles challengent profondément les modalités classiques de contrôle de l’activité de salariés et de la communication.

Dans l’Entreprise numérique et connectée la communication peut être un avantage compétitif ou au contraire détruire le capital de réputation que l’entreprise aura construite à grand frais.

Depuis le début des années 2010 un contentieux s’est en particulier noué autour de l’utilisation des réseaux sociaux par les salariés et en particulier de Facebook. Ceci s’explique notamment du fait de l’impact et de l’audience de ce média auprès des particuliers mais également des entreprises (33 millions d’utilisateurs de Facebook en France en 2018).

Consulter les contenus à caractères personnels publiés sur le compte Facebook d’un candidat est devenue une pratique courante pour les recruteurs. L’utilisation de telles données est toutefois formellement prohibée par la commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.

L’éviction d’un candidat à l’embauche basée uniquement sur la base d’informations personnelles recueillies sur Facebook serait jugée contraire au respect la vie privée voire discriminatoire si elle aboutissait directement ou indirectement à prendre en compte un critère basé sur l’âge, l’orientation sexuelle ou tout autre critère prohibé par l’article L.1132-1 du code du travail.

La question de l’utilisation par l’employeur des données publiées sur le compte Facebook personnel d’un collaborateur pour sanctionner des abus s’avère en revanche plus complexe.

En effet, bien qu’il s’agisse d’un réseau social « ouvert », le compte Facebook personnel d’un salarié peut être couvert par le secret des correspondances privée même s’il contient des propos qui seraient légalement répréhensibles et l’employeur ne peut donc pas s’en prévaloir pour le sanctionne.

C’est en ce sens que la Chambre sociale de la Cour de cassation a récemment délimité le pouvoir de contrôle et de sanction de l’employeur au regard de propos objectivement abusifs et injurieux tenus par une salariée (arrêt du 12/09/2018, n .°16-11.690).

Dans cette décision les juges ne se prononcent pas sur le caractère abusif des propos tenus par la salariée (propositions «d’extermination des directrices chieuses » pour les termes les plus policés) mais se contentent de constater que les propos litigieux relevait d’une conversation de nature privée. Ils confirment en conséquence sur ce point la décision de la cour d’Appel qui avait jugé le licenciement pour faute grave de cette salariée sans cause réelle et sérieuse.

La même position avait été prise quelques années auparavant (Cassation, première chambre civile, 10/04/2013, n°11-19.530) sur un autre volet de cette affaire qui reposait uniquement sur l’infraction pénale d’injures publiques mais pas sur le licenciement pour faute grave de la même salariée .

Comme dans l’arrêt du 10/04/2013, les juges ont relevé que les propos litigieux avaient été diffusés sur des comptes personnels ouverts par la salariée (MSN et Facebook) mais qu’ils n’étaient accessibles qu’aux seuls personnes agrées par l’intéressée en nombre très restreint (14 personnes).

Pour le moment la Cour de cassation n’a pas décidé de trancher en faveur du caractère public des conversations postées sur Facebook ce qui aurait le mérite de simplifier la preuve du caractère fautif en cas d’abus.

Le risque liée au prononcé d’une sanction en présence de tels propos devra être apprécié cas par cas en fonction des paramètres du compte Facebook (cercle public ou restreint aux amis) du collaborateur incriminé mais également du nombre de personnes abonnés à son compte Facebook, quel que soit le paramétrage retenu (public ou réservé aux amis).

Il n’existe pas à notre connaissance de jurisprudence rendue sur l’action de l’entreprise qui serait intentée sur le fondement de l’infraction d’injures non publiques qui pourrait dans certaines circonstances être utilisée à bon escient.

Comme souvent en matière judiciaire le choix du fondement juridique de l’action intentée et l’analyse précise des faits sera donc primordial.

—— chroniques ——

29 – Entreprise & Carrières – n° 1425 du 25 au 31 mars 2019

la chronique juridique

Yvan William

Cabinet d’avocats indépendants en droit social, Ancien DRH et directeur de projet en stratégie sociale