UN NOUVEAU REGARD SUR LA GESTION DE CARRIÈRE DES AGENTS PUBLICS

By 19 janvier 2021Veille

«… favoriser la fluidité des carrières entre l’emploi public et le secteur privé tout en renforçant les garanties relatives au recrutement et aux conditions d’emploi des agents contractuels ». Tel est l’objectif assigné à la rupture conventionnelle mise en place dans les 3 versants de la fonction publique (État, Collectivités, Hospitalière) à compter du 1er janvier 2020 par la loi n°2019-828 du 6 aout 2019.

S’il est un territoire où les lignes de fractures bougent c’est bien celui de la transformation de l’action publique.

Le niveau d’immixtion du droit du travail dans les réformes récentes du droit des agents publics est en effet surprenant.

L’orthodoxie juridique et les spécificités du statut de la fonction publique liées à l’exercice des prérogatives de la puissance publique avait fini par limiter considérablement l’évolution de carrière des agents et leur mobilité professionnelle vers le secteur privé.

L’apparent cloisonnement de cultures et les profondes différences du statut social était un frein supplémentaire.

Associée au développement annoncé des plans de départ volontaires, la mise en place de la rupture conventionnelle individuelle répond à un double objectif : favoriser les passerelles entre public et privé, accélérer le mouvement de restructuration des effectifs publics et de refondation du contrat social.

La multiplication du recours aux agents contractuels (qui représentait près de 18% des effectifs de la fonction publique en 2016) , sous contrat à durée déterminée ou indéterminée, a été un premier pas.

Les nouveaux modes de gestion et de financement (partenariat public privé) des services publics et l’encadrement des conséquences sociales en cas de transfert d’activité entre public et privé (article L.1224-3 du code du travail) ont accompagné ce mouvement.

L’absence de mode négocié de départ restait un frein. Le statut des fonctionnaires ne connaissait jusqu’alors que 4 cas de cessation définitive d’activité : retraite, démission, licenciement, révocation. Le départ des agents contractuels de droit public ne pouvait quant à lui être organisé que sous la forme d’une démission ou d’un licenciement.

Du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025, les employeurs et les agents publics pourront désormais « négocier » une rupture conventionnelle. Ce nouvel instrument juridique va ainsi permettre de sortir de la logique unilatérale qui prévalait jusqu’à présent et conduisait souvent soit à l’immobilisme, soit à la brutalité ou au développement de formes toxiques de management.

Le public concerné par le nouveau dispositif de rupture conventionnelle « secteur public » est large. Seuls sont exclus les stagiaires de la fonction publique et les agents ayant atteint l’âge de la retraite.

La procédure de rupture conventionnelle reprend l’ossature du dispositif issue de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 applicable au privé avec quelques singularités :

  1. Information à l’initiative de l’une des parties par lettre recommandée avec accusé réception du souhait de solliciter une rupture conventionnelle ;
  2. Entretien dans un délai de 10 jours francs à 1 mois maximum pour discuter les motifs de la demande, la date envisagée de rupture, le montant de l’indemnité et ses conséquences ;
  3.  Signature du formulaire de rupture conventionnelle à minima dans les 15 jours francs suivants l’entretien (le modèle sera prochainement défini par arrêté ministériel) ;
  4. Délai de rétractation de 15 jours francs pour chacune des parties ;
  5. Rupture définitive du contrat de l’agent contractuel à durée indéterminée ou radiation des cadres pour les fonctionnaires à la date convenue entre les parties.

L’agent a la faculté de se faire assister lors des entretiens par un conseiller désigné par une organisation syndicale de son choix en informant son employeur.

En pratique, le processus complet de l’envoi de la lettre de demande jusqu’à la cessation définitive des fonctions prendra minimum 35 jours.

Contrairement à la rupture conventionnelle « secteur privé » aucun processus d’homologation par l’administration du travail n’est prévu. La procédure est détaillée par le décret n°2019-1593 du 31 décembre 2019.

Sur le plan de l’indemnité, son montant minimal est fixé par paliers progressifs en fonction de l’ancienneté (d’ ¼ de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans à 3/5ème de mois de salaire à partir de 20 ans). Un montant plafond de 1/12ème de la rémunération brute annuelle a été institué (décret n°2019-1596 du 31 décembre 2019).

Pour être pleinement efficace ce dispositif novateur et bien encadré nécessitera cependant qu’une véritable culture de négociation se construise au sein de la fonction publique.

Le Parlement devrait se livrer à une première évaluation de l’efficacité et du succès du dispositif à l’issue de la période d’expérimentation en 2026.

YVAN WILLIAM 
CABINET D’AVOCATS INDÉPENDANTS EN DROIT SOCIAL, ANCIEN DRI-I ET DIRECTEUR DE PROJET EN STRATÉGIE SOCIALE

 24 février au 1 mars 2020 Entreprise & Carrières